Une approche plus responsable des réseaux sociaux existe-t-elle ?
17 février 2025
Comment utiliser les réseaux sociaux sans perdre son âme face aux caprices des algorithmes ? Sans devoir publier de manière effrénée ? Comment diffuser des messages qui ont un impact positif sans alourdir notre empreinte numérique ?
J’ai échangé avec Soraya Ben Hadj, consultante en Social Media responsable : elle nous éclaire sur une approche plus responsable des réseaux sociaux.
Découvrir Soraya
Soraya est membre de Marketing Flow, une communauté de marketeurs engagés, ainsi que d’Almaka, collectif d’experts en communication responsable.
Retrouvez-la sur LinkedIn : Soraya Ben Hadj.
Faut-il vraiment quitter les réseaux sociaux ?
La tendance à déserter et quitter les plateformes X ou Meta interpelle.
Pourtant, l’audience y est massive : plus de 3 milliards de personnes visitent Facebook chaque mois.
Les organisations n’ont-elles pas une responsabilité à maintenir leur présence sur ces plateformes ? À condition, bien sûr, que leurs messages soient transparents, raisonnés et raisonnables.
Qu’est-ce qu’un message raisonnable ?
Un message raisonnable nous incite à repenser le format et le cycle de vie des contenus et faire des choix réfléchis.
Comme par exemple :
- le poids allégé des visuels et des vidéos : exit les photos HD ou vidéos 4k.
- la pertinence du format : la vidéo est-elle vraiment indispensable ? Un carrousel voire une simple photo ne suffiraient-ils pas ?
- le recyclage de contenus : pourquoi ne pas exploiter l’existant ? Quelques secondes percutantes d’une vidéo, l’adaptation de contenus diffusés ailleurs, le partage d’UGC valoriser l’UGC (contenu généré par les utilisateurs)
- l’optimisation de la durée de vie des posts : faut-il laisser en ligne un événement ponctuel durant des mois ?
- la réalisation de photos/vidéos : mutualiser les prises de vue et respecter les bonnes pratiques EcoProd.
- le rythme de publication : faut-il vraiment publier tous les jours ? Testons les heures moins encombrées : tôt le matin ou fin de journée.
Il est important de conserver un œil critique sur les grands principes qui sont édictés : tout est à tester.
Et qu’est-ce qu’un message raisonné ?
L’utilité prime. Il ne s’agit pas de prendre la parole par opportunisme, mais d’apporter une vraie valeur à nos audiences.
Le message peut même sortir du périmètre de l’organisation, s’il a un impact positif.
« Par exemple, quand je collaborais avec Clarins, nous avons proposé des solutions DIY pour décorer les tables de Noël en recyclant des pots de crèmes vides pour en faire des bougeoirs. Ce message s’écarte des activités de Clarins – même si la marque a une démarche fortement engagée dans la Beauté responsable – mais cela illustre cette capacité à inspirer sans surconsommer. »
Les organisations ont un rôle d’influence à jouer vis-à-vis de leur audience pour faire évoluer les usages et les modes de consommation. C’est un élément à considérer avant de quitter une plateforme.
Réinventer le Calendrier social media pour une prise de parole juste
Les « marronniers », ces temps forts qui rythment l’année, semblent incontournables. Les publics attendent souvent ces publications, surtout quand il s’agit de promotions. Et si nous agissions autrement ?
Un calendrier Social Media responsable peut rebondir sur ces temps forts différemment :
- Et si le Black Friday devenait une occasion de parler du Green Friday qui promeut réemploi et/ou la réparation, non-consommation, etc. ?
- Pourquoi ne pas inviter à réfléchir sur ses besoins avant l’achat ?
- Comment transformer ces moments de surconsommation en opportunités de sensibilisation : cause sociale ou environnementale tout en restant pertinentes pour l’organisation ? journée de l’océan, etc.
Soraya publie chaque année un Calendrier social media plus responsable, à découvrir !
Choisir les plateformes à investir : où se trouve vraiment votre audience ?
La question n’est pas simple. Les données nous aident à y voir plus clair : âges, catégories socioprofessionnelles, usages…
Mais au-delà des chiffres, observons nos publics et leur relation à l’organisation : produisent-ils du contenu (UGC) en nous mentionnant sur la plateforme ? Nous y attendent-ils ?
TikTok pose un vrai dilemme : plateforme en vogue, mais gourmande en énergie. Est-ce raisonnable de l’intégrer dans une stratégie qui se veut responsable ?
L’écarter est d’ailleurs le choix opéré par Rennes Ville et Métropole dans leur plan éditorial 2024 des réseaux sociaux. « Tik Tok a été écarté pour l’heure par les collectivités en raison des alertes diverses relayées dans l’Union européenne. »
Concilier accessibilité et performance
Respecter l’accessibilité et la performance peut sembler parfois en contradiction.
Sur LinkedIn, les vidéos et images captent l’attention et génèrent souvent plus d’engagement.
Pourtant, les publications uniquement textuelles (sans lien) gardent toute leur efficacité, surtout pour les profils personnels. Elles représentent 16 % des contenus et dépassent la portée médiane pour les profils personnels. Bien réalisés, ces posts restent un levier d’engagement fort, parfois supérieur aux carrousels. (Source : Richard Van der Blom)
Ne l’oublions pas : un message pertinent et bien écrit sera vu. Les publics ne partagent pas par pure bonté d’âme, mais parce que le message les interpelle et leur donne envie d’interagir.
Il ne faut pas se laisser dicter nos prises de parole par l’algorithme. Si un format texte suffit à porter notre message, alors il ne faut pas s’en passer, au contraire !
Bien d’autres facteurs peuvent aussi entrer en ligne de compte pour en favoriser la portée organique, comme la qualité du contenu : le sujet, l’accroche, l’appel à l’interaction ou encore le jour et l’heure de publication, le fait de taguer une personne ou une entreprise, l’utilisation des hashtags, …
Comment adapter son discours ?
Trop d’organisations restent prisonnières de leur jargon. Comment espérer toucher son public avec un langage qu’il ne comprend pas ? L’accessibilité est clé.
Quel rythme de publication adopter ?
Plus les publications se suivent, plus elles se cannibalisent.
Une cadence adaptée valorise chaque message.
Sur LinkedIn, il est recommandé de ne pas dépasser une publication par jour. Il est intéressant de voir que les organisations ont finalement tendance à publier bien plus que de raison, probablement du fait de la pression que les plateformes mettent sur elles
Les espacer de 18h est recommandé (Source : leptidigital), mais ralentir davantage peut renforcer l’impact.
Diversifier les canaux
Plutôt que de publier de manière trop rapprochée, pourquoi ne pas investir un autre canal de diffusion sur ces plateformes social media ?
La newsletter sur LinkedIn, par exemple ? Certes, l’engagement y est moins visible, moins immédiat. Mais elle offre justement un espace durable pour :
- diffuser un message dans la durée
- rythmer les prises de parole sans subir les algorithmes
- laisser le public choisir son moment de lecture
- privilégier la qualité à l’immédiateté
Un format qui fédère plutôt que des messages qui se noient dans le flux ? N’est-ce pas plus engageant ?
Les groupes : une alternative pour rétablir la proximité ?
Facebook est désormais une plateforme media avant tout. Cela signifie qu’il faut monétiser sa prise de parole pour être visible.
En revanche, les groupes permettent de créer une interaction directe avec les publics :
- créer une relation privilégiée avec son audience
- faire émerger des ambassadeurs engagés
- favoriser l’entraide et la co-construction.
En conclusion : osons questionner nos pratiques
La communication responsable sur les réseaux sociaux n’est pas qu’une question technique. Même s’il est important d’optimiser les formats de contenus diffusés.
C’est avant tout une invitation à interroger nos réflexes, nos habitudes héritées des pratiques marketing intensives.
Devons-nous vraiment suivre tous les codes établis ? Publier comme tout le monde ? N’est-il pas temps d’inventer de nouvelles façons de communiquer, plus respectueuses de la charge mentale de nos publics et plus pertinentes ?
Plutôt que de suivre aveuglément les tendances, osons développer des usages qui respectent nos audiences et nos ressources. C’est en testant, en ajustant, et surtout en osant ralentir, que nous construirons une présence digitale à la fois durable et efficace.
C’est peut-être ça, finalement, la vraie communication responsable.
Un article écrit par Ferréole Lespinasse
Au sein de Cyclop Éditorial, Ferréole accompagne la redirection de la communication à travers l’approche par la sobriété éditoriale : conseil, audit de site et le langage clair.